Le niébé, communément appelé la cornille, le dolique à oeil noir/rose ou pois à vache est une légumineuse très prisée en agriculture et surtout en Afrique pour la lutte contre la pauvreté et l’insécurité alimentaire. De son nom scientifique Vigna unguiculata (L), dit légumineuse à graines, est né du genre Vigna, descendant de la tribu des Phaseoleae, de la famille des Fabaceae. Il serait l’un des aliments de subsistance de l’homme primitif et proviendrait principalement d’Afrique occidentale (Nigéria), même si la question de son origine est sujette à controverse, puisqu’il est cultivé et consommé dans les quatre coins du monde. Si certaines de ses variétés comme les quipedalis sont originaires d’Asie du Sud-Est ou d’Extrême Orient, la preuve de la paternité du continent suffit, dans la mesure où la variété sauvage de cette légumineuse n’est présente qu’en Afrique. Elle reste le Continent le plus producteur de niébé avec un rendement total estimé à 3721835 tonnes en 2004 (FAO 2005).
Le niébé couvre toute la ceinture du Continent du Nord au Sud, d’Est en Ouest, sa culture est favorable au climat tropical et subtropical, pourtant il réagit paradoxalement bien à la sécheresse. La région ouest-africaine est la principale gardienne du haricot niébé puisqu’on le retrouve au Niger, Nigéria, Ghana, Bénin, Mali, Burkina-Faso, Côte d’Ivoire, Mauritanie et au Sénégal, atteignant environ les ⅔ de la production mondiale. La Tanzanie, l’Egypte, l’Ethiopie et l’Ouganda touchent (participent, bénéficient) aussi au (du) privilège de cet haricot magique. Pour une étude optimale de cette plante végétale, nous nous focaliserons sur le Burkina-Faso, sachant que les analyses de ladite plante peuvent varier d’un pays à un autre, suivant les conditions climatiques spécifiques.
Le niébé, une mine d’or nutritive longtemps négligée
Contrairement aux produits rentiers (cacao, café, coton, arachide) et vivriers (céréales), le dolique à œil noir n’attirait pas autant l’attention des chercheurs et décideurs comme actuellement. Ainsi, sa production aussi importante qu’elle eût été, n’a pas fait l’objet de suivi, même si quelques données semblent avoir été collectées par la FAO à propos. Selon Cairinfo, entre 1998 et 1999, l’Etat Burkinabé aurait exporté 6.000 Tonnes de niébé vers la Côte d’Ivoire, le Togo et le Ghana, un rendement qui semble inférieure compte tenu de la production et de la consommation effective au cours de la même période. En 2001, les chiffres connaissent une évolution significative, évaluant la consommation des ménages à 200.000 tonnes, pour un rendement global de 500.000 tonnes, contre 300.000 tonnes destinées à la sous-région. La fiabilité de ce haricot souffre de quelques exigences liées au changement des saisons, pouvant empiéter sur le taux de production et entraîner des fluctuations au niveau de ses prix. Cela constitue un handicap économique pour les agents de la filière, car même s’il a l’avantage de s’adapter à plusieurs types de sols tant en zone sahélienne, savane soudanienne que guinéenne, le niébé reste une plante saisonnière. Sa commercialisation peut être critique à cause de la variation incessante des prix lors des ventes de la récolte par les cultivateurs, et de la vente des stocks au mois de Mars par les commerçants. Au Burkina, la période favorable va d’Octobre à Novembre.
Il convient de noter que la récolte est fonction des sols et du climat, elle peut donc être tardive ou précoce, et influer sur la production. La pauvreté des sols (en éléments minéraux, au phosphore, faible pluviométrie) représente également un frein pour la croissance de cette filière, sachant qu’elle est plus compatible aux sols d’un PH entre 5 et 6,5. Par ailleurs, elle pousse très bien sur ses sols pauvres, et constitue un allié de taille pour eux, réduisant le risque d’érosion et d’épuisement desdits sols. Rappelons que la production annuelle estimée à 376.225 tonnes en 2001 est passée à 441.015 tonnes en 2011 grâce au recours d’intrants (pesticides et engrais chimiques) sur des terres emblavées.
Aussi, le rendement du niébé pur n’est pas conséquent, sauf quand il est mélangé avec d’autres céréales comme le sorgho, le maïs, le mil et même le manioc. Le taux de pénétration de la culture pure du niébé était de 13% en 2011, dont 59.771 tonnes pures sur une production totale de 441.015 tonnes selon les données de l’Enquête Permanente Agricole (EPA) de la Direction de la Prospective et des Statistiques Agricoles et Alimentaires.
Les conditions climatiques et environnementales, suivies des mauvaises pratiques culturales, de la mauvaise herbe en plus des parasites, sont aussi la cause du faible rendement et du désintéressement notoire de cette culture. Toutes ces attaques réunies peuvent entraîner des pertes estimées à 100% du rendement, d’après l’IITA 1989. En effet, des insectes ravageurs mènent la vie dure à la croissance des cultures du niébé. Parmis ces insectes, on peut citer Macura Vitrata,réputé sans pitié, parce qu’attaquant la plante à tous les niveaux (de la jeune tige tendre à la feuille, en passant par les bourgeons végétatifs, les bouton floraux sans oublier les fleurs et gousses). Les ravageurs sont une bombe pour le développement de la filière niébé dans la mesure où ils l’étouffent depuis les semis jusqu’au stockage. En ce qui concerne M.Vitrata (chenille jeune, petit papillon brun foncé), l’estimation de la perte peut être fatale (50% à 80%).
Force de proposition du niébé, ou l’avenir du continent dans le niébé
Le niébé constitue la principale source de protéine des populations rurales du pays, ce qui lui vaut l’appellation “viande du pauvre”. En effet, presque toute l’étendue du territoire est couverte par la culture du niébé, avec une prédominance dans les régions du Centre-Nord, du Nord, de la Boucle du Mouhoun et du Centre-Ouest favorisée par une légère présence de parasites, contrairement au Sud où les sols sont très humides, donc très affectés par les parasites ravageurs. Pour optimiser les rendements des régions favorables à la production du niébé, le MAH et la FAO ont lancé en Janvier 2018, le Projet pilote d’Appui au développement des légumineuses (Propos de Commodafrica). Ce projet en effet vise à booster le taux de pénétration des légumineuses telles que l’arachide, le sésame et surtout le niébé, pour mieux alimenter la population burkinabée. L’initiation des producteurs aux nouvelles techniques de production, de transformation et de commercialisation font partie des prérogatives de ce projet pour prévenir les pertes après la récolte.
Aussi, ce haricot magique est bénéfique aux sols, dans la mesure où il les fertilise grâce à sa forte teneur en Azote,ce qui augmente leur rentabilité, disait Jacob Ouédraogo, Ministre burkinabé du MAH. Ainsi, même sur un sol réfractaire, cette légumineuse participe à donner vie au sol, le rend plus meilleur et nourrit de facto, les plantes qui lui sont voisines.
Valeur nutritive
En Afrique, comme au Burkina Faso, la viande, le poisson ou le lait, qui sont des aliments complets riches en protéines ne sont pas à la portée de tous, du fait de leur valeur monétaire. Sachant que le corps humain pour sa croissance nécessite des aliments capables d’assurer ses besoins en énergie, en matériaux de construction, en outils régulateurs et protecteurs, les légumineuses tombent à pic pour favoriser un régime alimentaire sain et équilibré. Elles sont réputées contenir tous les nutriments dont l’homme a besoin (eau, glucide, lipide, protéine, vitamine et sels minéraux).
AgriAction est une initiative qui vise à vulgariser les résultats de la recherche agricole auprès des agripreneurs, afin de les sensibiliser sur la production et consommation des cultures locales à forte valeur nutritive et génératrices de revenus, dont le niébé. Après une collecte des données, nous avons réalisé l’infographie ci-dessus que nous mettons à disposition des agripreneurs, chercheurs, acteurs du développement, entreprises et citoyens, dans le but de promouvoir ce fruits comme alternative pour améliorer la sécurité alimentaire du Pays.